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Accusation d’exécutions sommaires : « Ce que nous avons compris de cette opération, c’était de tuer seulement »

Moumouni Barry était commerçant dans la commune rurale de Djigoué dans la province du Poni, région du Sud-Ouest. Abass Sigui était son collègue dans la même localité. Boureima Oumarou, lui, officiait comme boutiquier dans le village de Fourkoussou commune de Gorom Gorom dans l’Oudalan région du Sahel. Ces personnes ont pour point commun d’avoir été enlevées puis retrouvées mortes. Leurs proches accusent des militaires burkinabè d’être responsables de ces morts et de bien d’autres personnes dans ces localités. L’armée s’en lave les mains et indique être respectueuse des droits de l’homme. Elle assure qu’uneenquête judiciaire est systématiquement ouverte en cas de dénonciations

Abdoulaye est amer. Il dit avoir échappé à un assassinat le 24 novembre 2021 à Kampti province du Poni dans le Sud-Ouest. Ce jour-là, le jeune commerçant affirme avoir assisté à une tentative d’arrestation d’un conducteur de tricycle venu lui prêter main forte pour le transport de grillages de la commune rurale de Kampti à celle de Djgoué.

Les deux policiers venus en tenue civile procéder à l’arrestation, ont procédé à des tirs, lorsqu’ils ont eu du mal à menotter le conducteur du tricycle, narre-t-il. Face à la tournure des évènements, des voisins l’ont conseillé de se mettre à l’abri. Ce qu’il fit. De Kampti, Abdoulaye dit avoir pris la fuite en ralliant Gaoua chef-lieu de la province du Poni puis Bobo Dioulasso.

A partir de la deuxième ville du Burkina, il rejoint Ouagadougou, le temps de retrouver ses esprits, explique l’infortuné. Abdoulaye ne sait plus où donner de la tête. « Mon grand frère a été traqué jusqu’à Bobo Dioulasso. Aujourd’hui son téléphone ne marche plus. Je suis moi-même traqué. Un autre frère a été tué au cours de l’opération militaire à Djigoué » se plaint Abdoulaye.

Le grand frère dont fait allusion Abdoulaye était un commerçant connu à Djigoué. Il est propriétaire d’une quincaillerie et membre du bureau des parents d’élèves de l’établissement de ses enfants et ancien conseiller municipal.

Tombe commune pour les corps…

Il affirme que la vie de son aîné a été ôtée pendant le déroulement de l’opération militaire dans la commune rurale de Djigoué province du Poni. « Les militaires sont arrivés le 21 novembre 2021 à Djigoué. Le lendemain 22 novembre 2021, ils ont patrouillé en ville. Le 23 novembre 2021 vers 11h, les premières arrestations ont été faites principalement dans le milieu des commerçants, des boutiquiers.

Il y a eu des libérations par la suite et un certain nombre est resté dans les mains de l’armée. Ceux qui sont gardés en détention ont été exécutés. » raconte un habitant de cette commune rurale située à plus de 400 kilomètres au sud de Ouagadougou. Le responsable de ces morts aux yeux de cet habitant est l’armée. Sa conviction est établie sur la base des arrestations opérées dans la journée et des témoignages de personnes qui ont enterré les victimes.

« Au lendemain des tueries, des jeunes de Djigoué ont été appelés pour creuser la tombe commune où les corps ont été enterrés. » affirme-t-il. « Moumouni Barry, Saidou Diallo, Abass Sigui, Saidou Diandé, Bourahima Sidibé… au moins 14 personnes ont été tuées », précisent les proches des victimes. Ces proches des victimes vont plus loin et soutiennent qu’il s’agit d’exécutions ciblées au sein de la communauté peule. « C’était invivable pour un Peul.

Ce que nous avons compris dans cette opération à Djigoué, c’est de tuer les Peuls » affirment ces proches des victimes qui disent en avoir le sentiment.  

Des victimes signalées dans l’Oudalan

Gorom Gorom est le chef-lieu de la province de l’Oudalan dans la région du Sahel. Cette région est aussi en proie à l’insécurité. Des détachements militaires y ont été installés dans la région pour juguler les assauts quotidiens des groupes armés terroristes. Le 28 novembre 2021, Boureima Oumarou de Tasmakatt a été exécuté dans le village de Kel Eguief de la commune de Gorom Gorom.

Il était commerçant dans le village de Fourkoussou. « Il y a vraiment des exécutions anormales qui se font à Gorom Gorom » se plaint un ancien élu local. Il renchérit : « pendant les opérations, l’armée ne fait que tourner en rond dans la brousse puis repart. Ce sont les pauvres innocents rencontrés sur la route qui sont soit tués soit ramenés à la gendarmerie pour les plus chanceux ». Cet ancien élu local et d’autres habitants de cette ville minière prennent pour fait la tournure des évènements après l’assassinat d’un policier.

Afflux de populations à Gorom-Gorom depuis début avril

Le 13 janvier 2022 un poste de contrôle régulier de la police a fait l’objet d’attaque, à la sortie de Gorom Gorom en allant dans le village de Tasmakatt. Le poste était installé chaque jeudi où s’opèrent le contrôle des documentsd ’identité des usagers de cet axe. Mais le jeudi 13 janvier, un groupe armé avait déjà pris position non loin des lieux. Ils ont ouvert le feu lorsque les policiers juchés sur leurs engins sont arrivés. Un policier est tué et d’autres ont été  blessés.

L’armée, la police et la gendarmerie se sont déportés sur les lieux de l’attaque. Le corps du policier est enlevé. Un communiqué est diffusé le lendemain faisant cas d’une attaque faisant un policier tué et quatre terroristes abattus. « Ce communiqué est constitué de mensonge concernant les terroristes abattus. Il ne s’est pas agi de ratissage. Toujours des faux rapports qui sont faits. Ce sont des mensonges qu’on a transmis aux médias et ce n’est pas la première fois.

On ne pourra pas vaincre le terrorisme tant qu’on sera dans le mensonge. Je me suis toujours réservé de parler mais là c’est trop », maugrée un leader local. Selon le récit de plusieurs ressortissants de Gorom Gorom, après l’enlèvement du corps du policer, l’armée, en rentrant dans le chef-lieu de la province de l’Oudalan, a fait un arrêt au domicile du deuxième adjoint au maire de Gorom Gorom.

« Six personnes ont été interpelées et amenées dans le camp militaire puis conduites en direction du village de Deyberie. Les villageois ont découvert après six corps brûlés. Les évènements se seraient déroulés entre 06h45 et 14h le 13 janvier 2022. Les personnes enlevées dans la cour du notable de Gorom Gorom sont Chekou Ag Moussa, Mamoudou Amadou, Hamadou Boureima, Aboubacar Ag Ibrahim, Amadou Ag Hamadou et Ibrahim Ag Rissa. Ils étaient ensemble et prenaient le thé dans la cour.

Parmi les victimes, Chekou Ag Moussa a accompagné sa femme, enceinte de sept mois pour une consultation prénatale. Amadou Ag Hamadou, lui, était revenu à Gorom Gorom pour chercher sa carte nationale d’identité burkinabè » narrent des responsables locaux. Selon nos sources, les six victimes sont toutes originaires de Tasmakatt. Ce village est distant de Gorom Gorom de 25 kilomètres. Selon un leader coutumier de la région, lorsque les villageois de Tasmakatt viennent à Gorom Gorom ils passent leur séjour au domicile du chef de la fraction Imrad.

« Quelles sont les raisons qui ont prévalu à leur interpellation puis exécution ? Pour qu’on puisse lutter efficacement contre le terrorisme il faut la collaboration avec la population. Le besoin de franche collaboration nécessite de la transparence lorsqu’on reproche quelque chose à un citoyen » soutient un notable de Gorom Gorom.

Les commerçants ciblés…

Ce fait du 13 janvier dernier n’est pas le seul cas soutiennent plusieurs habitants du chef-lieu de l’Oudalan. « L’armée continue les exécutions ciblées de commerçants à Gorom Gorom. Un commerçant a ainsi été interpelé le jeudi 31 mars dernier vers 15h puis retrouvé mort à 17h, les poches dehors vraisemblablement fouillées et vidées », relate une source. Selon nos informations, les commerçants dans des zones à fort défi sécuritaire sont suspectés d’être les fournisseurs de produits aux groupes armés terroristes.

« Chaque fois que les commerçants sont tués, les poches sont fouillées et vidées. C’est vraiment dommage ce que vit la population. Les terroristes tuent les innocents d’un côté. Les militaires tuent les innocents d’un autre côté » se lamente un sahélien. S’il est compréhensible que la lutte contre le terrorisme se complique avec de nombreux complices, reconnait un leader coutumier de Gorom Gorom, il est impérieux selon lui que l’armée fasse des efforts pour plus de transparence lorsque des gens sont interpellés.

« On ne sait pas qui est qui, qui informe les terroristes. Difficile de faire une guerre contre un inconnu. » poursuit-il. Une affirmation étayée par un fait qui s’est déroulé dans le Nord à des centaines de kilomètres de Gorom Gorom. Dans le village de Nodin commune de Thiou dans le Yatenga, l’armée a échoué en juin 2021 une opération militaire dans le village alors que la présence d’une vingtaine de terroristes dans une maison avait été signalée. Les militaires dépêchés sur les lieux n’ont vu personne. Les fouilles n’ont rien donné.

Il n’y avait que femmes et enfants. Aucun villageois n’a pu dire où se trouvaient les terroristes. « Vraisemblablement les complices des groupes armés sont au sein de la population » affirme une source militaire.

Les accusations contre l’armée n’ont jamais été prouvées de manière formelle

Mais les méthodes de l’armée posent problème fait observer plusieurs sources. « Il y a des bavures et ça complique la situation. Les gens ont plus peur de la chose militaire et cela depuis des années. La situation sécuritaire n’a fait qu’exacerber cette peur. Il faut vraiment trouver une façon d’opérer pour ne pas braquer les populations contre l’armée et radicaliser des gens inutilement » relève un leader coutumier. « C’est le même scénario. Après une attaque, l’armée s’en prend à de pauvres populations. » ajoute un autre habitant du Sahel.

Sollicité, l’Etat-major général des armées soutient qu’il existe un mécanisme au niveau des Forces armées nationales et notamment dans le dispositif opérationnel chargé de veiller au respect des règles d’engagement et du droit international humanitaire. Il ajoute qu’il est mis en place des prévôts au sein des unités en opération pour veiller au respect des procédures en cas d’appréhension et de détention de suspects.

L’Etat-major général des armées soutient que le respect des droits de l’homme a toujours été une préoccupation majeure pour les Forces armées nationales. C’est pourquoi la sensibilisation sur ces questions fait partie intégrante de la formation de base et de la formation continue des soldats a-t-il ajouté.

« Une enquête judiciaire est systématiquement ouverte en cas de nécessité. Il est important de préciser que toutes les accusations d’exactions qui ont été formulées contre nos forces ne sont que des allégations et n’ont jamais été prouvées de façon formelle » a soutenu l’Etat-major général des armées.

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