L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2O14 et la rédaction d’une Charte ont conduit à la mise en place d’une Transition, de façon consensuelle. Les partis politiques et les organisations de la société civile (OSC), les syndicats ont été chargés de la rédaction de la Charte et un jury composé a été mis en place pour élire un Président de la Transition, un Président du Conseil Nationale de Transition ainsi que ses membres de façon tout à fait satisfaisante pour tous, et ce fut pour ainsi dire la meilleure preuve des avantages d’un accord politique et quand une décision en découle, toutes les chances pour une grande adhésion populaire sont pour ainsi dire, réunies.
Seul un régime de type parlementaire correspond le plus à un mode de gestion efficace des affaires de la cité, assurant du coup un meilleur équilibre des institutions, à la différence d’un régime de type présidentiel caractérisé par une trop forte concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République. La France elle-même aujourd’hui émet des réserves sur sa constitution de 1958 et pense qu’elle ne se justifie plus, qu’elle est fatiguée et dépassée, dans la mesure où elle doit surtout retrouver toutes ses lettres de noblesse en tant que institution la plus importante dans un pays.
A ce sujet, voici les propos de Jacques Attali, Conseiller spécial du Président François Mitterrand pendant dix ans, de 1981 à 1991 dans la première partie de son livre Verbatim1, (période 1981-1983) page 5 : «Le Président dispose de pouvoirs immenses, disproportionnés, potentiellement dictatoriaux, que détient en France, tout Président de la République lorsque la majorité du Parlement le soutient.» A la page 12 il ajoute : «J’y ai appris que l’exercice du pouvoir ramène à l’essentiel. Il grossit le caractère des êtres comme la loupe celui de l’imprimerie. Il est une drogue qui rend fou quiconque y touche, qui corrompt quiconque s’y installe, qui détruit quiconque s’y complait. Mais j’ai pu constater aussi que les hommes au pouvoir comme ceux qui aspirent à l’exercer, étaient en général des hommes honorables, ayant le goût du service public, le souci de laisser une trace digne dans la vie de leur peuple.»
Dans son livre «Humeurs et humour» du Général, Philippe Ragueneau écrit et je cite : «en cette fin d’année 1962, les ministres et les conseillers étudient les modalités du référendum, annoncé le 12 septembre par communiqué, et qui doit proposer au pays l’élection du Président au suffrage universel. Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances est sensible aux réserves émises par le Conseil d’Etat. Il en fait part à de Gaulle : «La procédure choisie prête le flanc à la critique …» De Gaulle en convient.
Enfin, dès 1964, François Mitterrand écrivit «Le coup d’Etat permanent «, dénonçant les dérives ou les abus du Général De Gaulle se comportant comme un monarque au pouvoir.
On le voit, la constitution de 1958 a vécu, il faut donc passer à autre chose en déchargeant le Président de pouvoirs exorbitants, par un rééquilibrage donc de pouvoirs jugés excessifs d’un Président puissantissime. Examinons-les rapidement dans la constitution de 1991.
Trente cinq articles concernent les pouvoirs et autres prérogatives du Président, y compris l’arme de la dissolution (art. 36 à 60) alors que seulement quatre ou cinq articles concernent nommément le Premier Ministre dans le TITRE IV de la même constitution : DU GOUVERNEMENT. De plus, dans ce type de régime on a plutôt à faire à une sorte d’attelage à deux têtes, entrainant souvent des dysfonctionnements comme on l’a vu au Niger en 1995, ce qui avait conduit à une intrusion des militaires, interrompant le processus démocratique en cours et on a eu soit honte, soit souri de situations pour le moins cocasses ou même ridicules.
En optant donc pour le régime parlementaire, on opte de facto pour plus d’équilibre et d’harmonie entre les institutions dont on garantit en plus l’indépendance et partant, l’absence d’interférence de l’Exécutif dans le Judiciaire par exemple, ou à la préséance d’une institution sur l’autre. Qui connait les noms des Présidents Italien, Allemand ou Israéliens ? Ils existent pourtant mais exercent plutôt un rôle honorifique malgré toute la considération qui est leur est faite, dans leurs constitutions respectives.
Même aux Etats-Unis où il existe un régime présidentiel, Le Président des Etats-Unis ne nomme pas si facilement un Ministre ou un Ambassadeur, il lui faut dans bien de cas l’accord ou l’aval du Congrès, c’est-à-dire des deux Chambres (Sénat et Chambre des représentants, ici Assemblée Nationale). On le voit, ici l’équilibre des pouvoirs existe bel et bien et est respecté, aucune institution n’écrasant l’autre. On a maintes fois vu le Président Obama reculer ou demander l’aval du Congrès pour des nominations !
Plus qu’ailleurs, ici en Afrique le régime parlementaire prend toute son importance puisqu’il va puiser toute sa valeur dans notre fonds culturel : l’arbre à palabres. Pour autant, il faut pour cela une Assemblée Nationale plus représentative où siégeront côte à côte toutes les couches socio-professionnelles et culturelles du pays : jeunes, anciens, femmes, Chefferie traditionnelle, le monde paysan, les ouvriers, partis politiques représentatifs, etc. La nouvelle Assemblée Nationale ainsi composée sera vraiment un échantillon représentatif du pays, les quotas devant faire l’objet de débats.
En plus, le régime parlementaire protège et préservera le Président (élu pourquoi pas, par les parlementaires) de tout abus de pouvoir et de toute dérive en limitant les cas flagrants de népotisme, de corruption ou d’impunité. Nul ne conteste aujourd’hui que le sort de toute une nation et d’un pays ne dépend que du Président et de lui seul, ce qui est tout même dangereux et dénoncé dans le livre récent de la rédactrice en Chef du journal Challengers au titre plus qu’évocateur : «POISON PRÉSIDENTIEL» ! Elle fait parler d’anciens Premiers Ministres :»Le Président, il n’y a que lui qui existe. Il est totalement autocentré. C’est lui qui décide de tout. La fonction présidentielle est immense, c’est une fabrique à ego».
A défaut cependant d’un régime purement parlementaire, les modifications de la Constitution de la IVème République pourront porter sur une réduction de façon très significatives des prérogatives actuelles accordées au Président, notamment :
– en verrouillant l’article 37 ;
– en lui retirant par exemple l’arme de la dissolution ;
– en le dépouillant également de toute ingérence dans d’autres institutions, CSC, Justice (Conseil Constitutionnel, Cour Suprême, Conseil Supérieur de la Magistrature, etc), donc en assurant par là même une indépendance réelle de nos institutions ;
– par un contrôle de l’action du Président par les Députés de l’Assemblé Nationale (les 2/3 par exemple), sans que cette interpellation ne puisse pour autant le démettre sauf pour faute lourde (à définir) ;
– par un encadrement de son action avec une feuille de route bien précise ;
– que le Premier Ministre soit désigné à partir d’une liste de trois candidats même si sa nomination en définitive doit rester une prérogative exclusive du Président et lui seul ;
Mais tout compte fait, il ne faut surtout pas se laisser dominer pat une surenchère politicienne dans le débat en cours : l’homme importe autant que les institutions elles-mêmes. Dites, quand on « brûle » un feu rouge, est-ce vraiment parce que le code de la route est mal écrit ? A mon humble avis, ce qui a conduit à l’insurrection populaire, Montesquieu l’avait bel et bien dénoncé dans son «Esprit des lois» : « dans un pays, quand il y a davantage à faire sa cour que son devoir, tout est perdu ».
Une originalité de ce régime pourra consister par exemple à soumettre les futurs Ministres à un entretien devant un jury avec des questions à la clé, après un exposé de ceux-ci pendant une quinzaine de minutes sur leur vision et leur capacité à mener à bien la politique du département dont ils auront reçu la charge, ce qui obligera le Président à ne choisir qu’un bon Premier Ministre ainsi que de bon Ministres !
Les Ministres seront notés, admis ou recalés par un jury, mais leur nomination sera laissée à l’appréciation des parlementaires. Ainsi peut-être, on sera parvenu à réconcilier un peuple avec lui-même mais surtout avec l’institution la plus importante du pays.
GUIRÉ Maurice